La communication digitale en période de crise sanitaire : Quels canaux devrait utiliser le ministère de la santé ?

J’écoutais ce matin la radio quand j’ai été interpellé par les propos du chroniqueur. Il évoquait la campagne menée par le ministère de la santé par SMS, SMS qu’il jugeait sans intérêt et très « ordinaires ». J’ai souhaité à travers cet article m’approfondir sur un sujet très important en cette période « la communication d’un organisme officiel en période de crise sanitaire » et surtout comment le digital pourrait l’y aider.

Pourquoi le ministère de la santé doit communiquer ?

Il faut d’abord comprendre qu’il ne s’agit pas d’une communication commerciale et donc tous les « procédés » ou techniques utilisés par les marques peuvent être inadaptés. Il s’agit de communiquer avec les citoyens pour différentes raisons. Ce qui me pousse à éclair un point : quels seraient les objectifs de la communication du ministère de la santé ?

Si le ministère communique c’est pour 3 raisons qui sont en toute évidence les objectifs d’une communication réussie

1/ Faire connaître : informer aussi bien sur le virus, ce qu’on en sait, les chiffres, les avancées en matière de vaccin, les procédures… Le but est de devenir une source officielle d’informations fiables. Si cette partie arrivait à manquer, le risque est évidemment que le citoyen aille puiser l’information d’autres sources souvent non officielles. Et avec les réseaux sociaux, nous sommes tous devenus des médias. Le ministère a donc intérêt à communiquer de manière transparente et régulière, dénoncer les intox et se rapprocher du citoyen.

2/ Se faire aimer : construire un lien de confiance et gagner la sympathie des citoyens. L’idée est de construire une relation de confiance et de montrer qu’il est là dans l’intérêt du citoyen. Il est aussi question d’avoir des alliés qui nous soutiennent et ne remettent pas en doute tout ce qu’on dit. Pour y parvenir, rien ne vaut la transparence et la franchise. Même si une vérité est difficile à annoncer la politique de l’autruche est-elle la solution ? Il faut se souvenir que si ce n’est pas le ministère qui communique, c’est bien d’autres acteurs qui le font. Le capital confiance est fondamental durant cette période.

3/ Faire agir : il est important de pousser le citoyen a respecter le protocole, à aider les efforts des autorités. Malheureusement,  si le point 2 est rompu, le citoyen ne va plus avoir confiance en ce que dit le ministère et aura tendance à se rebeller

Place de la communication digitale

Laissez-moi vous rappeler qu’à l’heure d’Internet l’accès à l’information est instantané et gratuit. Plus besoin d’attendre le journal télévisé et le porte-parole d’un ministère. On s’attend à savoir en temps réel ce qui se passe…sinon ce qu’on appelle les journalistes citoyens, (des citoyens qui mènent l’enquête), vont partager des informations très souvent erronées, mais qui sans communication du ministère vont être la seule source considérée fiable.

J’aimerais aussi rappeler qu’il n’est pas question d’arrêter les médias conventionnels. La télévision, les radios, l’affichage public, les conférences de presse…ont toute leur place notamment pour les cibles qui n’ont pas Internet.

Le site web

Le site web est une source officielle où les médias en ligne peuvent puiser l’information. Le site du ministère de la santé doit apporter toutes les réponses à nos questions. Il doit être actualisé, clair et apporter toutes les réponses aussi bien aux tunisiens qu’à la communauté internationale… si je vous disais que j’ai découvert que ministère a 2 urls http://www.santetunisie.tn/fr/ et http://www.santetunisie.rns.tn/ avec le même contenu…

Les SMS

Les SMS n’exigent pas une connexion Internet. Il suffit d’un téléphone mobile pour les recevoir. Ça tombe bien une grande partie des Tunisiens ont un téléphone mobile. La particularité des SMS c’est qu’ils sont intrusifs. C’est-à-dire, qu’ils arrivent sur votre téléphone sans que vous n’ayez rien demandé…ils sont lus rapidement (on estime à 2 min, le temps entre la réception et la lecture) et surtout ils sont facilement mémorisés. Autant vous dire qu’il n’y a aucune comparaison avec l’email ! Malheureusement quand on est matraqué à longueur de journée ou que le message est ordinaire…l’effet est inverse ! ça veut dire qu’on va arrêter de lire les messages du ministère… pour gagner tout son sens, le SMS devrait s’expliquer par la nécessité de l’envoyer à un instant T. supposons qu’avec ce couvre-feu instauré dans quelques gouvernorats, nous envoyons un SMS 1H avant pour leur rappeler qu’ils devraient penser à rentrer.. Bref, cela ne sert à rien de polluer le téléphone des citoyens et de payer des campagnes si au final, on finit en « non lu »…La solution ? L’utiliser uniquement quand l’usage le justifie…informer rapidement d’une décision, rappeler un constat… vu sa taille bien courte, sans images ni vidéo…difficile de jouer sur l’émotionnel ! Restons donc dans son côté « pratique »

Facebook

Facebook est le réseau n°1 en Tunisie, en termes d’utilisateurs. Il regroupe une population assez mature et avec des niveaux d’instruction différents. Il est excellent pour informer, mais aussi pour construire cette relation de confiance. Toutefois, Facebook est si « pollué » d’informations que si le ministère ne fait pas preuve d’originalité, il risque de passer à côté… je leur conseille de réflechir à co-construire un contenu avec les facebookeurs, micro-influenceurs (avec de petites communautés de followers). L’idée est de transmettre un message : Nous sommes ensemble… alors les faire participer, travailler ensemble à transmettre des messages impactants. Il faut profiter de la viralité des réseaux sociaux, de l’influence… pour construire une communication impactante.

Le storytelling est évidemment une bonne technique…jouer des émotions aussi ! Mais je ne suis pas pour le sentiment de la « peur »…les études le montrent, les campagnes de sensibilisation qui reposent sur la peur et la culpabilisation ne touchent plus… parfois, l’humour (noir) est une meilleure carte…la nostalgie aussi. Mais encore une fois, ce qui compte c’est de faire profil bas… nous sommes tous égaux devant cette crise, alors trouvons ensemble une solution.

Instagram

Le réseau par excellence pour toucher les plus jeunes. Les fonctionnalités au niveau des story permettent de se sentir très proche. En France par exemple, pour ne citer qu’eux, la police, les pompiers, l’armée…utilisent ce réseau pour gagner la sympathie des citoyens. Ils organisent des questionnaires, partagent des instants de vie de leurs fonctionnaires, répondent aux questions, font des lives…. Je pense que c’est un réseau qu’on sous-estime en Tunisie et c’est dommage. C’est pourtant une cible qu’on peut toucher et qui peut, elle, influencer ses parents et amis. On pourrait lancer le concours du masque le plus « in », du meilleur geste barrière…bref tendre la main (c’est une image) pour être plus proche et travailler ensemble.         

Quel que soit le canal choisi, il est important de mesurer les résultats pour ajuster nos campagnes et nous améliorer. On ne communique pas … JUSTE…pour communiquer 😉